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Le besoin de reconnaissance tout au long de la vie

  • Temps de lecture :8 min de lecture

Le besoin de reconnaissance est un besoin vital pour tout individu, car les signes de reconnaissance sont indispensables pour construire son identité et se développer harmonieusement. Si le manque de reconnaissance peut être fatal dès les premiers jours de la vie, il est une source de souffrance dans les relations de la vie quotidienne et particulièrement dans la sphère du travail. C’est ainsi qu’au début des années 1970, Christophe Dejours, psychiatre, a développé la théorie d’une psychodynamique du travail. Selon cette approche, le sujet attend de son travail une rétribution qui est « fondamentalement de nature symbolique » et qui prend la forme d’une certaine reconnaissance.

Sur un plan plus général, Axel Honneth, philosophe écrit :

« Chaque sujet humain est fondamentalement dépendant du contexte de l’échange social organisé selon les principes normatifs de la reconnaissance réciproque. La disparition de ces relations de reconnaissance débouche sur des expériences de mépris et d’humiliation qui ne peuvent être sans conséquences pour la formation de l’identité de l’individu ».

Le besoin de reconnaissance prend une telle importance dans la vie de chacun, qu’il est parfois préférable de recueillir des signes négatifs que rien du tout. Ainsi pour le psychologue Claude Steiner :

« Plutôt des coups de pied que rien du tout, ou le pire : de l’indifférence ».

Le besoin de reconnaissance chez le nourrisson

Pendant la grossesse

Le premier besoin de reconnaissance

Les avancées des neurosciences ont permis de constater que tout commence in utero, puisque le fœtus reçoit des informations hormonales sur l’état émotionnel de sa mère par l’intermédiaire du cordon ombilical. Mais ce n’est pas tout, il réagit aux sons extérieurs et différencie la voix de ses parents et celle d’un tiers. On peut donc dire qu’une certaine interaction s’établit et que tout ce que le fœtus va enregistrer contribuera au processus de reconnaissance lorsqu’il viendra au monde. Une grossesse vécue de manière heureuse par les deux parents participe à la sécurisation de l’enfant à naître.

Durant les premiers jours de la vie

La naissance est un moment de grand bouleversement pour la mère et pour l’enfant qui quitte l’univers de chaleur sans lumière qui était un environnement sécurisant pour affronter un monde inconnu et froid sans les limites rassurantes d’un contenant qui le soutenait. Dès sa naissance, le nouveau-né doit fournir de gros efforts pour la mise en route de ses poumons. Son départ dans la vie sera donc plus ou moins bien vécu selon l’accueil qui lui sera réservé par sa mère et le personnel médical présent.

Pendant cette période, le nouveau-né est dans une dépendance totale et les souvenirs vont s’ancrer dans son corps. Si cette première expérience est douloureuse, elle influencera la manière dont le bébé va réagir à la présence d’autres humains.

Le rôle essentiel du ou des caregivers*

De la naissance aux environs des 3 mois du nourrisson, un soi émerge. En effet, dès son arrivée au monde, le nouveau-né est conscient qu’il n’est pas en fusion totale avec l’autre, mais qu’il existe une distinction entre lui et l’autre. Cependant, il n’a pas encore intégré qui est l’autre. Sa vulnérabilité est grande et il subit des tensions qui ne peuvent pas attendre trop longtemps d’être soulagées (la faim, la soif, le besoin d’être changé…). C’est pourquoi sa mère ou la personne qui prend soin de lui joue un rôle de premier plan. Le regard qu’elle porte sur le bébé est, selon Winnicott, la première reconnaissance qui va lui permettre de sentir qu’il existe aux yeux de l’autre. Il est cajolé, bercé, porté et la réponse immédiate à ses besoins lui apporte une sensation de bien-être. Même si cet ajustement n’est pas toujours parfait, mère et enfant forment une dyade grâce à laquelle ils s’apprivoisent et apprennent à déchiffrer les signes que chacun envoie à l’autre.

Si les échanges sont équilibrés, l’enfant acquiert petit à petit le sentiment de compter pour l’autre puisqu’il est reconnu dans sa singularité. Sa dépendance n’est plus dangereuse et il apprend à faire confiance à l’autre.

Lorsque ces échanges n’existent pas ou sont de piètre qualité, le nourrisson est en grave danger. Dans des cas extrêmes (enfants abandonnés ou totalement privés de liens d’attachement secure), une évolution vers un état de marasme physique et psychique, que Spitz a nommé « hospitalisme » est fréquente et peut parfois conduire jusqu’à la mort du nourrisson.

Le besoin de reconnaissance chez l’enfant

L'enfant a besoin d'être reconnu

Au fur et à mesure que les mois passent, l’enfant élargit le cercle de ses proches et son besoin de reconnaissance est axé sur ce qu’il est capable de produire. C’est un moment crucial où les injonctions parentales prennent toute leur importance. Un enfant reconnu dans ses efforts et encouragé dans ses échecs emmagasine les signes de reconnaissance et prend ainsi confiance en lui. Il est en demande d’une autonomie croissante qui nécessite à la fois une protection, une stimulation et un accompagnement des instants de frustration de la part de ses parents. C’est un équilibre qui doit permettre à l’enfant de se réaliser en tant que « je », tout en acceptant certaines limites. C’est également une étape importante pendant laquelle les parents ne doivent pas confondre la reconnaissance de leur enfant avec l’absence de frustration.

L’acquisition du langage lui offre la possibilité de mieux transmettre ses désirs et ses besoins. Il s’oriente alors petit à petit vers une autoreconnaissance. Vers l’âge de 3 ans qui marque son entrée à l’école, il commence à prendre une certaine distance avec le cercle restreint dans lequel il évoluait jusqu’à présent. C’est le début des apprentissages sociaux et de la construction de la confiance en soi.

Si l’enfant demeure demandeur de la reconnaissance de sa famille qui reste son refuge en cas de stress, de nouveaux « autruis significatifs » entrent dans son champ d’action et deviennent des sources potentielles de reconnaissance. C’est l’amorce du processus d’identification à des sujets qu’il admire et dont il veut être reconnu. Puis il intègre des groupes de pairs et commence à ressentir le sentiment d’appartenance.

Le besoin de reconnaissance chez l’adolescent

L’adolescence est une phase pendant laquelle il est possible de guérir d’anciennes blessures de reconnaissance. Dans sa recherche de personnes référentes, l’adolescent peut trouver des tuteurs de résilience. Mais c’est aussi une période délicate, car c’est celle des prises de risque pour appartenir à des groupes. Pour combler un manque de reconnaissance dans l’enfance, certains adolescents sont prêts à se plier à des règles extrêmes, puisque tout est préférable à l’exclusion.

Les conséquences d’un manque de reconnaissance dans l’enfance

Le manque de confiance en soiEn devenant adulte, le sujet élargit ses possibilités de relations dans le domaine amical, amoureux et familial. S’il a subi des blessures profondes dues à l’absence de reconnaissance dans son enfance, il court le risque de chercher à rattraper cette part de reconnaissance qui lui a fait défaut.

En effet, le manque de reconnaissance dans l’enfance empêche toute bienveillance envers soi-même et entrave ainsi la construction d’une bonne estime de soi. Le sujet attend des autres ce qu’il ne peut s’accorder à lui-même et cela le conduit souvent à une dépendance affective. Il ne peut combler son besoin de reconnaissance qu’au travers de ce que peuvent lui apporter les autres. Dans l’espoir permanent de marques d’attention et de bienveillance, il développe une forme d’assujettissement envers les autres et reste insatisfait, ce qui entraîne chez lui une grande détresse.

Il peut faire peser ce manque sur son partenaire amoureux en faisant preuve de trop d’exigence. Il en fera de même dans la sphère professionnelle, attendant sans cesse des preuves de reconnaissance (remerciements, compliments…).

Dans un prochain article, je vous expliquerai comment dominer un besoin de reconnaissance envahissant pour éviter qu’il demeure une source de souffrance jusqu’à la fin de vos jours.

 

*Caregivers : les donneurs de soins

 

 

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Cet article a 6 commentaires

  1. Isabelle

    Je suis tellement heureuse d’avoir eu des parents qui prenaient du temps avec nous. Je sens qu’ils ont été une bonne base pour mon estime personnel. Merci pour ce super article.

  2. Karine

    Excellent article qui donne des clés pour bien éduquer son enfant!

  3. Gladys

    Merci pour cet article que j’ai trouvé très intéressant et instructif sur les besoins de reconnaissance et les effets d’un manque, tant sur un plan personnel que professionnel. Hâte de découvrir le prochain article 😉

  4. Virginie Mauz

    J’ai beaucoup aimé cet article!

    En tant que mère déjà. En tant que personne, aussi, qui ai donc eu un rapport particulier, comme tout le monde, à la reconnaissance (parentale, familiale, autres…), qui a charpenté mon rapport social au monde…

    … mais aussi en tant que femme qui a connu une relation de couple très néfaste pendant 7 ans, où le manque de reconnaissance était un système organisé et revendiqué dans la relation, notamment à mon encontre, et dont j’ai énormément souffert. Si j’en suis ressortie plus forte et « droite dans mes bottes », je trouverais vraiment intéressant un article traitant de l’enjeu de la reconnaissance réciproque dans le monde des adultes (dans le couple, la famille, l’environnment de travail)… après ce panorama sur le monde de l’enfance!

    Merci infiniment de traiter de ces thématiques si centrales et importantes pour l’épanouissement des êtres et des relations!

    Virginie de wHoUman

  5. Hashimoto mental

    Il y a un aspect que j’ai trouvé important dans ma vie, c’est la reconnaissance envers soi même. Reconnaître ses émotions, son ressenti, ses doutes, ses peurs, ses inusuffisances… mais aussi se remercier pour ce chemin de connaissance de soi et ce que l’on a accompli.

  6. Sophie

    Sujet très intéressant qui fait écho à maux de notre société. Si tout le monde pouvait en prendre conscience il y aurait moins de personnes malheureuses.