Le syndrome de l’imposteur est décrit par Kolligian & Sternberg (1991) comme un sentiment de fraude perçue par des personnes qui sont convaincues d’occuper une place qui ne leur est pas due. Et pourtant, elles possèdent toutes les compétences pour remplir les missions qui leur sont confiées.
Ce syndrome provoque un mal-être permanent, car les sujets vivent dans la crainte d’être démasqués. Ils font souvent preuve d’une modestie que l’on peut qualifier de pathologique. Ainsi, lorsqu’ils réussissent, ils invoquent des éléments qui leur ont été favorables, comme la chance par exemple. Ils minimisent constamment leurs prestations et sont rapidement mal à l’aise s’ils sont félicités pour la qualité de leur travail.
Le syndrome de l’imposteur touche un grand nombre de personnes, puisqu’on constate que près de 70 % de la population a ressenti ce sentiment au moins une fois dans sa vie.
Les manifestations du syndrome de l’imposteur
Les sujets qui souffrent de ce syndrome présentent plusieurs des signes suivants :
- une importante autodépréciation ;
- un sentiment de culpabilité en cas de réussite ;
- un haut niveau de perfectionnisme ;
- la croyance que leur entourage surestime leurs compétences ;
- la conviction de tromper tous ceux qui sont dans leur environnement ;
- la certitude de ne pas être à leur place dans le milieu où ils évoluent ;
- la crainte de finir par être démasqué ;
- une tendance à la procrastination.
Ce sont ces critères qui permettent de repérer une personne qui souffre de ce dysfonctionnement. Il n’est pas nécessaire qu’elle présente l’ensemble de ces ressentis, mais la conjonction d’au moins deux d’entre eux laisse à penser qu’on est en présence d’un syndrome de l’imposteur.
Les caractéristiques des sujets souffrant du syndrome de l’imposteur
Si l’on se réfère à la très intéressante thèse de Kevin Chassangre « La modestie pathologique : pour une meilleure compréhension du syndrome de l’imposteur », ce dernier fut, pendant de longues années, considéré comme « un trait stable de la personnalité », donc une caractéristique individuelle que l’on retrouve à des degrés différents chez les sujets.
Les recherches contemporaines ont amené les psychologues à abandonner cette vision pour la remplacer par un état émotionnel qui se fait jour dans certaines situations. Cela voudrait donc dire que le syndrome de l’imposteur n’est pas un trait de personnalité caractéristique, mais qu’il apparaît dans des circonstances particulières.
Ainsi, lorsque l’attente des autres est très élevée, cela provoque chez certains individus un « état affectif aversif ». Ils craignent d’être surestimés par rapport à la tâche qu’on leur demande de faire et en déduisent rapidement qu’ils ne sont pas à la bonne place.
Qui souffre du syndrome de l’imposteur ?
Même si ce syndrome est parfois appelé « syndrome des autodidactes », il peut atteindre tout le monde. C’est la raison pour laquelle, à certains moments de la vie professionnelle, la négation de tout accomplissement personnel peut être ressentie par les autodidactes comme par les plus diplômés. Ce syndrome sévit dans toutes les catégories socioprofessionnelles, quels que soient l’âge, le sexe ou le niveau d’études.
Par rapport au sexe
Si certaines études ont fait ressortir que ce syndrome touchait plus particulièrement les femmes, d’autres font apparaître que les hommes le subissent tout autant.
La différence se situe plutôt au niveau du ressenti. C’est pourquoi, il semblerait que les femmes sont plus sensibles et l’auteur de la thèse en explique les raisons ainsi :
« Des attentes moindres quant à leurs performances et une plus faible évaluation de leurs capacités peuvent l’induire. Les hommes auraient davantage de support de la part de mentors particuliers ou de la société en général ».
Les stéréotypes jouent bien évidemment leur rôle et l’on peut espérer que dans un avenir proche, le nombre de femmes atteintes par le syndrome de l’imposteur régresse notablement. Avec la mise en place de la parité à tous les niveaux et plus spécialement à celui du leadership, les femmes devraient prendre tout naturellement la place qui leur revient.
Par rapport à l’âge
Comme on pouvait le supposer, plus on est jeune, plus on risque d’être victime du syndrome de l’imposteur. En avançant dans sa carrière, la tendance à se sentir surestimé par rapport à ses vraies capacités tend à diminuer. La légitimité s’installe au fur et à mesure que les résultats sont au rendez-vous et le sentiment d’usurper la place que l’on occupe finit par disparaître.
Par rapport à la profession
Toutes les professions sont touchées par le syndrome de l’imposteur et chose étonnante même dans le domaine de la psychologie, on rencontre des personnes qui connaissent parfaitement le mécanisme de ce syndrome, mais qui en souffrent malgré tout !
Par rapport à l’éducation
Les études ont montré le rôle important du comportement des parents dans l’apparition du syndrome de l’imposteur et plus particulièrement au travers des messages qu’ils transmettent très tôt à leurs enfants.
Ainsi, les parents qui rehaussent essentiellement l’intelligence, la réussite dans la vie, les performances quel que soit le domaine, mettent une lourde pression sur les épaules de leur enfant. Ce comportement s’accompagne souvent d’un manque de valorisation des résultats obtenus même s’ils sont excellents. Ils semblent toujours attendre plus de leur enfant, créant de facto des objectifs difficiles à atteindre. Cette éducation entame sérieusement le capital d’estime de soi et ouvre la porte au syndrome de l’imposteur.
Quelles sont les situations qui impulsent le syndrome de l’imposteur ?
Les activités qui sont propices à la compétition sont un creuset favorisant. Mais ce n’est pas l’unique cause. Une absence de collaboration de la part de ses collègues est un facteur non négligeable. Travailler seul, comme c’est le cas pour les freelances, fragilise beaucoup de sujets qui n’ont pas, au début de leur entreprise, une grande confiance en leurs capacités. Le manque d’estime de soi déclenche des périodes de doutes intenses qui sont autant d’occasions propices pour que le syndrome de l’imposteur apparaisse.
Comment combattre le syndrome de l’imposteur ?
Le meilleur moyen pour y parvenir est de renforcer son estime de soi, ce qui aura pour conséquence immédiate d’élever le niveau de confiance en soi.
Il s’agit donc de retrouver une légitimité pour sortir d’une position de repli qui est la source d’une réelle souffrance. Voici quelques techniques qui peuvent vous aider, si vous souffrez de ce syndrome.
1. Lutter contre le désir de perfection
Ce désir de perfection envahit tous les sujets souffrant du syndrome de l’imposteur. Pour le contraindre dans certaines limites, il faut renoncer une bonne fois pour toutes à vouloir l’atteindre. L’important est seulement de tendre vers l’excellence.
Vous faites votre possible pour que votre travail soit à la hauteur des souhaits de vos supérieurs ou de vos clients, si vous êtes indépendant. Vous mettez tout en œuvre pour y parvenir, mais à un moment donné, il faut que vous acceptiez que ce travail puisse toujours être perfectible, mais qu’il soit temps de le rendre. Il se peut qu’il ne corresponde pas exactement à ce qui était attendu. Cela ne viendra pas forcément de vous, mais peut-être simplement de la personne qui vous l’a confié.
2. Se libérer du regard des autres
Nous avons tous tendance à nous juger plus durement que les autres ne le font. Vivre en attendant toujours l’approbation de ceux qui nous entourent est épuisant et fait douter de soi en permanence. « Il ne m’a pas remercié », « Elle ne m’a pas dit que mon travail était excellent »… Autant de phrases qui ont un impact sur tous ceux qui ont une propension à remettre en cause leurs compétences.
Or, il ne faut jamais oublier que celui qui ne vous complimente pas a peut-être tout simplement omis de le faire. Cette non-reconnaissance n’est pas en rapport avec la qualité de ce que vous avez fait. Preuve en est que lorsque votre supérieur ou votre client est mécontent, il sait vous le dire. Après tout, remplir correctement une mission qui vous a été assignée est un acte normal. Vous êtes rémunéré pour cela et les éloges ne sont pas un dû, même si cela est très agréable.
Et si vous décidiez de vous autoféliciter sans attendre les compliments des autres ? Voici quelques phrases que vous pourriez vous adresser :
- « Voici encore une mission que j’ai bien effectuée ».
- « On fait appel à nouveau à mes services, cela est la preuve que je suis compétent ».
- « … »
3. Arrêter l’autoflagellation
Nul n’est parfait et seuls ceux qui ne font rien ne risquent pas de se tromper… Et encore !
Si vous avez commis une erreur par manque d’expérience ou parce que vous n’avez pas osé dire que vous ne compreniez pas ce qu’il fallait faire, présentez vos excuses, mais ne dramatisez pas. Une maladresse ne fait pas de vous un imposteur !
Par contre, tirez le meilleur parti de cet échec. Repérez vos faiblesses, formez-vous, ne cessez jamais d’apprendre… C’est ainsi que vous cheminerez sur le chemin de la réussite.
Vous morfondre en vous répétant que vous êtes « nul » et que vous n’y arriverez jamais ne vous fera pas avancer. Bien au contraire !
Alors, dites bye bye au syndrome de l’imposteur. C’est un hôte envahissant qui ne vous veut pas du bien !